Toots Thielemans : «Il était d’une humilité infinie»
De Toots Thielemans, Philippe Schoonbrood, rédacteur en chef du site Jazz@around, gardera notamment le souvenir de ces coups de téléphone impromptus que pouvait lui passer le grand musicien décédé ce lundi. Des coups de fil insolites qui témoignaient d’un caractère fait d’empathie et de modestie.
« Là, ce matin, j’ai en tête un coup de fil que m’avait passé Toots Thielemans depuis le festival de Bakou en Azerbaïdjan c’était en 2002. Je ne savais pas qu’il était là, par contre je m’étais étonné de l’aspect matinal de son appel. «C’est que je suis confronté à un problème, m’avait-il dit, je suis en train d’établir ma set-list pour ce soir. Compte tenu de la culture du pays, quels sont les morceaux que je dois mettre ou au contraire écarter ?» C’était, tout Toots. La manifestation de sa grande humilité. Lui qui avait tourné dans le monde entier, il demandait encore des conseils aux autres, il s’inquiétait de leur avis».
Cette humilité, pour Philippe Schoonbrood est aussi importante pour comprendre la carrière phénoménale de Toots Thielemans. « Il restait ouvert à tout. Il a écrit des musiques de films, il a joué pour de la publicité. Il a côtoyé les plus grands comme Charlie Parker, Grappelli, Quincy Jones ou Jaco Pastorius, mais il était aussi à l’écoute des plus jeunes musiciens et même des DJ’s. Il a ainsi croisé le fer avec le DJ Grazzhoppa’s DJ Bigband. Il était ouvert ».
Résultat, Toots Thielemans a touché tous les genres avec son harmonica, l’oreille attentive aux nouvelles sonorités. «Au festival de Middelheim, je le voyais attentif au concert d’un musicien très «free», je lui demande ce qu’il en pense. «C’est pas la même grammaire que la mienne, mais c’est pas mal quand même». C’était un vrai curieux».
L’humilité de Toots se traduisait aussi par rapport aux hommages dont il faisait l’objet. Il a notamment été décoré par le ministre de la culture, Gilberto Gil. Il a reçu l’Octave d’honneur en 2011. Il a été fait docteur honoris causa à l’ULB. Sans jamais attraper la grosse tête. « Je pense que ce qu’il l’aidait à bien vivre sa notoriété, c’était son autodérision. Ainsi quand il parlait de Bluesette, le morceau qui l’a rendu célèbre, il avait coutume de dire «C’est ma sécurité sociale».Ce qui le caractérisait, c’était aussi sa gentillesse, sa sensibilité, je l’ai vu plus d’une fois la larme à l’œil».
Toots Thielemans était aussi baron. De ça aussi, il ne tirait aucune vantardise. « Il aimait dire qu’il était le baron de la Rue Haute, la rue où il était né. Une façon de rendre le titre de noblesse un peu moins pompeux et plus proche de son caractère ».
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