samedi 21 janvier 2012

La mort d'Etta James


Etta James, diva enragée de la soul

Dotée d’une voix rauque unique, la chanteuse américaine de r’n’b s’est éteinte vendredi à 73 ans.

Par Dominique Queillé

Etta James en 2004. (REUTERS)




La légendaire chanteuse de blues, soul et jazz Etta James est décédée vendredi à l’âge de 73 ans dans un hôpital de Riverside (Californie) des suites d’une leucémie. De son vrai nom Jamesetta Hawkins, elle avait remporté au cours de sa carrière six Grammy Awards et dix-sept Blues Music Awards.
Née le 25 janvier 1938 à Los Angeles, la chanteuse américaine, considérée comme l’une des plus belles voix de la musique noire, sera révélée au monde par le hit At Last en 1961. Ce titre, écrit par Mack Gordon et Harry Warren vingt ans plus tôt, fut d’abord popularisé par Glenn Miller, puis Nat King Cole, avant d’être repris avec un énorme succès par Etta James. Devenu un classique, le tube a été interprété par Beyoncé en 2009 pour le bal d’investiture du président Barack Obama. Rendue populaire grâce à des chansons comme The Wallflower ou Good Rockin’ Daddy, Etta James a toujours navigué grâce à sa voix à la fois rauque et chaude qui pique l’âme, du blues à la soul et du rhythm’n’blues au rock avec une aisance prodigieuse. Au point d’être classée à la 22e place par Rolling Stone sur sa liste des 100 plus grands chanteurs de tous les temps. Malgré une vie en dents de scie - enfance tumultueuse, une mère adolescente (14 ans), un père inconnu, diverses trahisons amoureuses, addiction aux drogues -, elle a su dépasser ses souffrances dans sa façon de chanter.
Attraction. Elle n’a que 5 ans quand elle fait ses premières vocalises à l’église St Paul Baptist de Los Angeles, où elle devient rapidement une attraction. Sa carrière débute à l’adolescence. Un temps séparée de sa mère, elle retourne vivre auprès d’elle dans les années 50 à San Francisco où elle va former, avec deux amies, le trio féminin The Creolettes. Johnny Otis, séduit par leur prestation, l’auditionne et lui propose d’aller enregistrer un disque à Los Angeles. Bien que nécessitant pour ce faire l’accord obligatoire de sa mère (qui est alors en prison), elle réussit à se débrouiller en imitant sa signature. Roll With Me Henry sort au début de 1955. Jamesetta s’appelle désormais Etta James. The Wallflower, titre de l’album, s’installe durant quatre semaines au sommet des charts. C’est le début d’un tourbillon de tournées qui s’enchaînent jusqu’à la fin de la décennie. En 1960, elle signe sur le label Chess avec une série de succès comme All I Could Do Was Cry et My Dearest Darling, ainsi que deux duos avec Harvey Fuqua, If I Can’t Have You et Spoonfull pour la seule année 1960. Suivront At Last et Trust In Me en 1961, Something’s Got a Hold on Me et Stop the Wedding en 1962, Pushover en 1963. La disparition de Leonard Chess, fondateur du label, la bouleverse. Elle quitte ensuite la compagnie discographique et, après l’échec commercial de Deep in the Night puis de Changes, produit par Allen Toussaint, elle lutte contre une addiction à l’héroïne en multipliant les cures de désintoxication en milieu psychiatrique.
Héritières. Après bien des luttes, elle fait un retour dans les années 80 et retrouve les scènes. Reine de la soul, Etta James a été distinguée pour son hommage à Billie Holiday, Mystery Lady, en 1994, puis pour Let’s Roll, meilleur album blues contemporain en 2003. Ses chansons sont devenues des classiques du genre et ont influencé un grand nombre de chanteuses. Impossible de ne pas évoquer Janis Joplin comme l’une de ses héritières, tout comme Tina Turner. En 2008, Beyoncé joue son personnage dans le film Cadillac Records, retraçant ses années Chess. En novembre sortait The Dreamer, son ultime album. A cinq jours de ses 74 ans, le rêve est fini.



Article dans la Libération  par Dominique Queillé de samedi 21 janvier 2012

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