Fin des années 1960, Paris. Archie Shepp est en tournée en Europe. Dans un club parisien, un pianiste l’accueille en jouant les accords du « Matin des Noirs ». Ce pianiste, c’est Siegfried Kessler. Il jouera longtemps avec le saxophoniste, notamment dans l’Archie Shepp Quartet qui regroupait, outre nos deux protagonistes, Clifford Jarvis et Bob Cunningham ou Cameron Brown. Archie et « Siggy », c’est l’amitié.
Quarante et quelques années plus tard, le sud de la France. Christine Baudillon, artiste de l’image, se lance dans le portrait d’un pianiste original qui vit sur un voilier ancré à La Grande Motte : Siegfried Kessler. A Love Secret, c’est le film.
Printemps 2003, Montpellier. Jean Peiffer, patron du Jam, donne carte blanche à Siegfried Kessler. Siggy fait évidemment appel à son ami Archie. Le duo sera filmé et enregistré. C’est le concert.
Automne 2004, Paris. Au New Morning, Monette Berthomier, Samuel Thiébaut, Laurent Mayer et Sébastien Haddad écoutent Archie Shepp pour le lancement d’Archie Ball. C’est le label.
Janvier 2005... Un disque compact voit le jour. Des illustrations superbes signées Wozniak, des musiciens-amis, un concert mémorable, un label rêvé... beaucoup d’émotion pour ces retrouvailles mémorables. First Take, c’est le disque.
Comme pour rester en parfaite communion, Archie Shepp et Siegfried Kessler reprennent des thèmes qui leur sont familiers, voire intimes, composés par le saxophoniste : « Le Matin des Noirs », complainte (mourning - morning) émouvante et dramatique ; « Steam », hommage mélancolique et triste, écrit pour un cousin d’Archie Shepp tué au cours d’une manifestation à Philadelphie ; « Ujaama », un beau thème de 1975 que Shepp a également enregistré dans le célèbre double album The Long March, en duo avec Max Roach ; « California Blues », qui sonne presque comme un chant traditionnel. Les deux amis communient également sur des standards du répertoire d’Archie Shepp : « Lush Life » de Billy Strayhorn, « Don’t Get Around Much Anymore » de Duke Ellington et « Misterioso » de Thelonious Monk.
Ce qui marque, au fil des plages, c’est l’extrême cohésion entre les deux musiciens. Ils ne font qu’un - l’introduction de « Misterioso » est confondante. Comme souvent, quand deux vieux amis se retrouvent, les discussions reprennent naturellement là où elles s’étaient interrompues, sans artifice, loin du temps, pareilles à une palabre africaine (« Le Matin des Noirs »). Quand en plus, les deux amis se connaissent par cœur, les dialogues sont sincères et chargés de sentiments (« Steam »). Siegfried Kessler, violent, intense, alterne phrases rythmiques et brisures mélodiques, et reste toujours attentif à son compagnon. Ses placements habiles et une utilisation subtile de la puissance donnent une légèreté et un relief aux chants, que la tessiture et la souplesse limitées de la voix du saxophoniste ne permettraient pas d’obtenir seule. Archie Shepp, comme à son habitude, privilégie avant tout l’expressivité : un son énorme au ténor (« Lush Life »), un discours dramatique au soprano (« Le Matin des Noirs »), de la réverbération (« Steam »), des effets deshouter (« Don’t Get Around Much Anymore »)...
L’esprit de First Take est dans la lignée de Trouble in Mind et Goin’ Home, deux autres duos indispensables d’Archie Shepp avec Horace Parlan. Mais on est loin d’une redite, car ces deux albums s’articulaient autour de morceaux afro-américains traditionnels, le pianiste penchait d’avantage vers le blues et Archie Shepp ne chantait pas.
First Take est un superbe disque au sens propre comme au sens figuré (et la pochette n’y est pas pour rien !). Du free bluesy qui laisse bel et bien la mélancolie voguer en toute liberté...
http://www.citizenjazz.com/_Bob-Hatteau_.html
Quarante et quelques années plus tard, le sud de la France. Christine Baudillon, artiste de l’image, se lance dans le portrait d’un pianiste original qui vit sur un voilier ancré à La Grande Motte : Siegfried Kessler. A Love Secret, c’est le film.
Printemps 2003, Montpellier. Jean Peiffer, patron du Jam, donne carte blanche à Siegfried Kessler. Siggy fait évidemment appel à son ami Archie. Le duo sera filmé et enregistré. C’est le concert.
Automne 2004, Paris. Au New Morning, Monette Berthomier, Samuel Thiébaut, Laurent Mayer et Sébastien Haddad écoutent Archie Shepp pour le lancement d’Archie Ball. C’est le label.
Janvier 2005... Un disque compact voit le jour. Des illustrations superbes signées Wozniak, des musiciens-amis, un concert mémorable, un label rêvé... beaucoup d’émotion pour ces retrouvailles mémorables. First Take, c’est le disque.
Comme pour rester en parfaite communion, Archie Shepp et Siegfried Kessler reprennent des thèmes qui leur sont familiers, voire intimes, composés par le saxophoniste : « Le Matin des Noirs », complainte (mourning - morning) émouvante et dramatique ; « Steam », hommage mélancolique et triste, écrit pour un cousin d’Archie Shepp tué au cours d’une manifestation à Philadelphie ; « Ujaama », un beau thème de 1975 que Shepp a également enregistré dans le célèbre double album The Long March, en duo avec Max Roach ; « California Blues », qui sonne presque comme un chant traditionnel. Les deux amis communient également sur des standards du répertoire d’Archie Shepp : « Lush Life » de Billy Strayhorn, « Don’t Get Around Much Anymore » de Duke Ellington et « Misterioso » de Thelonious Monk.
Ce qui marque, au fil des plages, c’est l’extrême cohésion entre les deux musiciens. Ils ne font qu’un - l’introduction de « Misterioso » est confondante. Comme souvent, quand deux vieux amis se retrouvent, les discussions reprennent naturellement là où elles s’étaient interrompues, sans artifice, loin du temps, pareilles à une palabre africaine (« Le Matin des Noirs »). Quand en plus, les deux amis se connaissent par cœur, les dialogues sont sincères et chargés de sentiments (« Steam »). Siegfried Kessler, violent, intense, alterne phrases rythmiques et brisures mélodiques, et reste toujours attentif à son compagnon. Ses placements habiles et une utilisation subtile de la puissance donnent une légèreté et un relief aux chants, que la tessiture et la souplesse limitées de la voix du saxophoniste ne permettraient pas d’obtenir seule. Archie Shepp, comme à son habitude, privilégie avant tout l’expressivité : un son énorme au ténor (« Lush Life »), un discours dramatique au soprano (« Le Matin des Noirs »), de la réverbération (« Steam »), des effets deshouter (« Don’t Get Around Much Anymore »)...
L’esprit de First Take est dans la lignée de Trouble in Mind et Goin’ Home, deux autres duos indispensables d’Archie Shepp avec Horace Parlan. Mais on est loin d’une redite, car ces deux albums s’articulaient autour de morceaux afro-américains traditionnels, le pianiste penchait d’avantage vers le blues et Archie Shepp ne chantait pas.
First Take est un superbe disque au sens propre comme au sens figuré (et la pochette n’y est pas pour rien !). Du free bluesy qui laisse bel et bien la mélancolie voguer en toute liberté...
http://www.citizenjazz.com/_Bob-Hatteau_.html
par
// Publié le 25 mai 2005
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire