Elliott Murphy a tourné avec les grands du Blues: en première partie de John Lee Hooker aux USA, avec Albert King en France. Il a réalisé un disque entier d'hommages à Muddy Waters et à ses inspirateurs bluesmen (
Elliott Murphy Gets Muddy). Pourtant, sa peau reste à jamais marquée par l'immersion dans l'univers de
Lou Reed. Il se fondit dans la bande d'Andy Warhol. Les notes de pochette (
liner notes) du vinyle
Velvet Underground Live, en 1969, c'est lui («
mon premier fait d'armes...»). Elliott épouse la marginalité du Rock froid, cru, radical, et poétique de l'auteur de
Walk on the Wild Side.
Aujourd'hui, la double signature du blues et de l'underground grave le style de l'Américain de Manhattan, né en 1949. A l'époque, selon ses dires, «
on me disait le plus européen de tous. Je ne le renie pas. J'étais attiré par la littérature européenne». D'ailleurs, l'héritier de la poésie Beat et de Jack Kerouac, que le roman d'Hemingway
Paris est une fête subjugua, habite la capitale française depuis plus de vingt ans. Il mènerait une vie retirée... si ce n'était le Rock!
Devant moi, noyé dans le décor orange (nappe comprise) hyper-kitsch du restaurant
Le Vieux Châtelet, on dirait Johnny Depp dans
Pirate des Caraïbes (colliers, bagues, foulards, bandana bleu marine). Le regard est doux, le port serein, le verbe choisi. Les mains ne tremblent pas. Il parle français couramment.
Elliott raconte posément l'enregistrement du disque au Havre: onze de ses meilleures chansons (d'où le titre éponyme du CD sorti en mars). La production de son fils Gaspard, 20 ans, l'a épaté. Ce dernier dépoussière les arrangements. Eliott signe son 31ème disque mais peut se promener tranquille sur les trottoirs parisiens. Même si l'artiste représente une star pour de nombreux amateurs, pas besoin de lunettes noires.
Avec le guitariste Olivier Durand et le claviériste Kenny Margolis, le “
Murph” signe un disque somptueux, imprégné de Blues.
«Tout comme mon premier disque, marqué par les influence de Janis Joplin, Jim Morrison et BB King. Par la suite, je me suis entiché de la country: je l'ai également épousée. J'ai toutefois continué à appuyer ma musique sur deux pieds, l'intensité du blues-l'émotion du rock.» Dans le groove envoûtant, on identifie sans confusion possible le balancement du bluesman Jimmy Reed. Le parcours d'Elliott Murphy présente une autre référence: Bruce Springsteen. L'ami de toujours. Il invite Murphy sur scène chaque fois qu'il passe à Paris. La dernière fois, c'était au Parc des Princes, pour deux chansons, en 2008. Bruce a également envoyé un message au téléphone en direct pendant le concert du New Morning, pour lui souhaiter bon anniversaire, en 2009. Pour le disque, Murphy a logiquement sollicité la vocaliste de son pote, Lisa Lowell.
La tournée qu'il amorce (lancement au
New Morning les 18 et 19 mars) permettra au public de savourer les classiques
Gone, Gone, Train Kept Rollin, Rain Rain Rain, Rock'n roll n' Rock'n roll. Sans oublier l'enivrant
Poison n'Grace, au refrain accrocheur. Les paroles décrivent les vibrations des villes de l'intérieur, les paysages urbains avec des sentiments. Les textes sont très "
écrits". Littéraire de haut en bas (il a publié deux romans), le "Murph" revendique deux ressorts:
«le rock, ma drogue; ma religion, les mots. Je confie mon destin dans les mots».
Sentant le bon client, il sert l'aphorisme qui tue: «
Si vous jouez un blues à l'envers, vous sortez de prison, votre femme revient, et vous retrouvez un boulot!» Holaaaaa! Ça le fait ! J'ai déjà produit mon effet à plusieurs reprises en société avec la formule. Mais pour le coeur, les blues à l'endroit d'Elliott me suffisent largement.
Bruno Pfeiffer
Photos : Anne Lenormand pour Libération
CD
Elliott Murphy – Label Last Call/WAGRAM
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