Le trompettiste Tom Harrel a mis sur orbite vendredi 7 novembre la 29e édition du festival strasbourgeois Jazzdor. Le compositeur n'a pas attendu 68 ans pour devenir une figure majeure du jazz. Le discours lyrique, les trouvailles ingénieuses, la vélocité, les phrasés ensorcelants de l'improvisateur de l'Illinois n'ont pas un quart-de-souffle à envier aux discours d'un Woody Shaw, d'un Louis Smith, d'un Tony Fruscella, ou d'un Clark Terry. Les thèmes variés enthousiasment. Et pour cause : l'enchanteur se montre aussi arrangeur d'exception.
Alain Fontanel, Le premier adjoint, donné aujourd'hui comme le maire-bis de Strasbourg, était monté sur la scène pour exprimer au fondateur, Philippe Ochem, la reconnaissance de la ville, dont "Jazzdor participe du rayonnement", et lancer les festivités. Anne Issler, la nouvelle DRAC (Directrice Régionale des Affaires Culturelles), saluait "l'organisation extraordinaire, la grande qualité du festival", confirmait enfin"le soutien sans failles au label". On rompra pour une fois avec la défiance actuelle envers les propos des politiques pour adhérer sans réserves, tant les affiches m'ont emballé, tant la programmation de la quinzaine à venir promet.
Pour cet unique concert en France, Tom Harrel, le virtuose, chiffonné pourtant par un fort décalage horaire, a mis à genoux un public extatique. Schizophrène, soumis à des traitements chimiques depuis l'âge de 20 ans, l'artiste ne se présente pas devant le micro comme le roi des boute-en-train. Sosie d'Ernest Hemingway, à la tignasse immaculée, l'homme vêtu de noir ignore la salle. Pique du nez. On dirait le zombie avant son réveil. Silence de cathédrale. Après d'interminables secondes, le dépressif s'anime. Il lance le compte à rebours du quintet pour l'unisson de Sound Image, signé de sa main, le premier morceau. Les exposés avec le ténor rappellent un hard-bop de la meilleure coulée. On pense aux formations du regretté Horace Silver (Harrel l'accompagna), de Donald Byrd, d'Art Blakey. Le label BLUE NOTE n'est pas à court de héraults.
L'orfèvre pose le nez sur les partitions. Pour offrir une rivière de joyaux (Trances, Dance, Sunday). Le saxophoniste ténor Wayne Escoffery, sorte de Bob Berg survitaminé, remplit l'espace avec aisance. Position recueillement, bugle au poing, bras pendant, Harrel regarde le sol. Ou fixe le vide. On s'en fout : on reste suspendu à son cou. Et quand vient le tour de jouer, la légende reprend. La séduction naît de l'attaque, de la modulation, de la sonorité et du velouté de chaque note. Le charme, de l'enchaînement méticuleux des séquences. Un régal par tous les tempos. Les morceaux mélangent grooves, harmonies complexes, riffs ravageurs et mélodies fondantes. Le mélodiste compte la totalité des auditeurs dans la poche. Les musiciens du groupe manifestent par les sourires la jubilation de participer à l'événement. Prestations impeccables du pianiste (Danny Grissett) et du batteur (Adam Cruz). Mention supérieure au contrebassiste Ugonna Okegwo. Son duo magique avec le leader sur Body and Soul marquera les esprits. Suivront Cycle, Star Eyes. Le rappel tenu à fond de train signale que le styliste inscrit aussi son travail dans la lignée des enregistrements lumineux de Chet Baker au milieu des années 50, surPacific Jazz : le Saint Graal des trompettistes. Quelle baffe! La claque d'un géant, ça fait mal...
Bruno Pfeiffer
Tom Harrel jouait à Junas pendant le festival 2014 Le Languedoc Roussillon rencontre New York
CD
Tom Harrel, Trip (avec Mark Turner et Ugonna Okegwo), 2014
(photo jaquette Angela Harrel)
Bruno Pfeiffer
Tom Harrel jouait à Junas pendant le festival 2014 Le Languedoc Roussillon rencontre New York
CD
Tom Harrel, Trip (avec Mark Turner et Ugonna Okegwo), 2014
(photo jaquette Angela Harrel)
http://jazz.blogs.liberation.fr/pfeiffer/2014/11/jazzdor-2014-harrel-sur-images.html
PHOTOS CONCERT Copyright Mathieu Schoenahl
PHOTOS CONCERT Copyright Mathieu Schoenahl
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