21/08/2012
Villette Jazz : Vol au-dessus d'un nid de vedettes
Avis : l'affiche de Jazz à La Villette du 29 août au 9 septembre, ne s'annonce pas vilaine. Calibres confirmés (Jacky Terrasson, Archie Shepp, Lee Konitz, Magma) côtoieront révélations (Misja Fitzgerald Michel) et découvertes (Guillaume Perret). Choix de concerts, qui coïncident avec sorties et re-éditions de disques.
Coup de coeur, Gouache (label Universal), le dernier Jacky Terrasson. Vingt ans que le pianiste enchante. Vingt ans que la profondeur de son jeu, imprégné de classique, balance un swing de big band harlémite. Vingt ans que l'émule d'Ahmad Jamal (notamment) surprend, prend des risques, risque tout. Si l'on comparait sa musique à la peinture, on dirait que les couleurs primaires et les formes se jouent en permanence de l'abstraction. Jacky, d'humeur joviale devant une assiette flamboyante de spaghettis aux fruits de mer, confirme: «Je garde les ingrédients en vue. Certes les couleurs m'influencent, cependant je les combine à mon goût. Les contours et les perspectives se modifient, à leur tour enfin changent la forme définitive».
Peintres préférés? «Séraphine de Senlis; Fernand Léger; Le Douanier Rousseau; Soulages; Miro; Francis Bacon; Lucian Freud.» Entre figuration et déformation des traits. J'ai perçu le concept à l'écoute deMy Love composé par John Lennon. Après l'exposé par la voix suave de Cecile Mc Lorin, le solo de Jacky, lyrique à fondre, emmène le thème en promenade. Avant que la voix n'impose le dépouillement de la mélodie à l'improvisation de piano. Du grand art. Les autres standards (Baby, de Justin Bieber; Rehab, d'Amy Winehouse) bénéficient également d'un traitement ingénieux et inspiré. Quatre compositions de Terrasson rappellent la magie de l'auteur à tranformer la complexité en phrases simples, souvent ludiques (Try to Catch Me, par exemple). Sur plusieurs titres, un Fender Rhodes, branché sur effets (pédale Wah-Wah), élargit la palette du langage.
Jacky Terrasson, le 6 septembre à la grande Halle de La Villette, avec Burniss Earl Travis : contrebasse, Justin Faulkner : batterie, Michel Portal : sax & clarinette, Cecile Mc Lorin : chant, Stéphane Belmondo : sax, Minino Garay : percussions
+ Carte Blanche au Duc des Lombards (du dimanche 28 au mercredi 31 octobre à 20h et 22h) - Jacky Terrasson accompagné de la même formation
Séquence culte avec l'Archie Shepp Attica Big Band. Le producteur Gérard Terronès avait enregistré la première Live At The Palais des Glaces, en 1979. Un double album magnétique (label Futura). La postérité a fait du disque connu sous le titre Attica Blues un classique. Un lien entre rebellion funk et tradition des grandes formations. Considéré à l'époque comme un contrepied à la révolution Free, voici ressuscité un cri de la Great Black Music. L'esprit volera dans la grande Halle. Les voix de Joe Lee Wilson et d'Irene Datcher signaient des blues mythiques. Cette fois, l'on entendra la voix deShepp, notamment. Egalement d'autres expressions majeures, comme les saxophones de Raphael Imbert et de François Théberge, la trompette d'Ambrose Akinmusire, ainsi que le trombone de Sébastien Llado.
Archie Shepp, concert de clôture le 9 septembre
Le saxophoniste ténor Guillaume Perret figure dans la short list des Victoires de l'année. Son premier album, And The Electric Epic, est paru sur Tzadik, le label de John Zorn. De la bombe. La musique évoque le groupe Weather Report, mouture originelle, tant l'énergie déchaînée fait tache d'huile. Le style évoque une fusion de pop progressive anglaise, de métal, et de straight jazz. Le soliste enjambe chaque genre avec volubilité. Il paraît infatigable, sur des rythmes endiablés. Résolument original. Je discutais en juin au festival de Berlin avec le batteur Daniel Humair, observateur avisé de la scène montante, leader (entre autres) du groupe Baby Boom, une référence. C'est le premier nom de saxophoniste à venir à son esprit.
Guillaume Perret, le 5 septembre au Cabaret Sauvage
Ultimes suggestions : l'excitant duo de l'altiste Lee Konitz et du pianiste Dan Tepfer le 5 septembre à la Cité de la Musique. De la beauté pure. Ensuite la date de Magma (30 août). Le dernier disque, Félicité Thöz (Seventh Records, distribué par Harmonia Mundi), offre le meilleur de Magma. Elévation promise. Sucrerie finale: la prestation de Misja Fitzgerald Michel le 8 septembre. Le guitariste prometteur joue Nick Drake avec Olivier Koundouno. Le dessert parfait.
Bruno Pfeiffer
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