En complément des articles publiés dans la revue (cf. Jazz Hot n° 659, printemps 2012), voici un prolongement de la conversation avec Hamid Drake…
Jazz Hot : Parmi les percussions, vous avez une prédilection pour le tambour sur cadre (frame drum),un grand tambourin, qui renvoie à des pratiques musicales très anciennes... Hamid Drake : Oui, je ne prends que celui-ci en voyage, sinon c'est trop compliqué (rire). Frame drum est un terme générique pour des instruments que l'on trouve dans pratiquement toutes les cultures, à l'exception des Aborigènes d'Australie. Dans cette tradition, ils n'ont pas d'instruments à membranes qui se rapprochent des tambours, seulement des baguettes frappées. La première fois que j'ai entendu un tambour sur cadre, c'était sur le disque Escalay, paru sur Nonesuch, de Hamza el Din qui était originaire de Nubie. Il jouait de ce tambour et de l'oud sur le disque. J'ai tout de suite été emballé et intrigué par cet instrument. Je suis parti à la recherche d'autres enregistrements. Puis j'ai eu le grand plaisir de le rencontrer et je lui ai posé des questions sur cet instrument. Il l'avait avec lui et il m'a montré comment on en jouait. Mon premier tambour sur cadre m'a été donné par Donald Rafael Garrett, un excellent musicien de Chicago qui a voyagé tout autour du monde et a joué avec de nombreux musiciens. Il était connu comme bassiste, mais c'était aussi un excellent saxophoniste et clarinettiste. Il a enregistré avec Coltrane et il a joué avec des gens très différents. J'ai commencé à travailler ce que m'avait montré Hamza el Din. Puis au début des années quatre-vingt, à Woodstock, dans l'état de New York, alors que j'étais avec Mandingo Griot Society j'ai rencontré des musiciens turcs qui m'ont appris plus de choses sur cet instrument. J'ai ensuite étudié et encore étudié cette tradition et j'ai commencé à collectionner différents modèles de tambours à cadre issus de différentes cultures. On peut fréquemment entendre votre chant, proche de l'invocation, quand vous jouez de cet instrument. Quelle est l'origine de ces chants ? Je chante avec le tambour à cadre lorsque l'inspiration m'y pousse. En général, il s'agit de chants issus de traditions religieuses ou spirituelles, principalement de la tradition soufi mais aussi de la tradition bouddhiste tibétaine. Parfois je chante la sourate Fatiha qui ouvre le saint Coran : « Au nom de celui qui a le plus de compassion, d'amour infini, infinie compassion... ». De la tradition bouddhiste tibétaine, je chante généralement une prière adressée à celui qui a apporté le bouddhisme au Tibet, c'est une prière qui parle de lui.Il s'appelle Padmasambhava et il est aussi connu sous le nom de Guru Rinpoché.C'était un grand maître et il est connu comme le Bouddha de l'époque dans laquelle nous vivons car il possède les moyens les plus habiles pour affronter sa négativité. La tradition veut que tous ceux qui se souviennent de lui, quise rappellent de son nom, qui entendent sa prière, qui entendent ou récitent son mantra ont beaucoup de chance de parvenir à la libération dans l'époque dans laquelle nous vivons maintenant. Rien que pour ça, ça vaut la peine de chanter sa prière pour soi-même et pour que les autres l'entendent (rire). Ce lien entre la musique et la spiritualité est aussi à l'origine de votre projet « Bindu » décliné sur plusieurs albums. L'une des raisons pour lesquelles, j'ai commencé à étudier les manière de jouer des percussions dans différentes traditions et en fait plus généralement la musique issue de différentes traditions, c'est parce que je voulais en savoir plus sur la spiritualité dans ces diverses cultures. J'ai compris que pour moi l'une des meilleures manières de comprendre la spiritualité de ces cultures était de commencer par la compréhension de leur musique. On dit qu'il y a de la musique séculaire et de la musique sacrée. Mais la musique en général est quelque chose de sacré. Tout le monde joue en venant d'une sorte d'espace émotionnel. J'ai découvert que l'étude de la musique me permettait de comprendre certains aspects de la spiritualité de ces cultures. Comment a débuté votre collaboration avec William Parker?
Je l'ai rencontré grâce à Peter Brötzmann. Je crois que nous avons joué ensemble pour la première fois en 1987. C'était le début du groupe « Die Like a Dog » qui consiste en William Parker, Toshinori Kondo, Peter Brötzmann et moi-même. Nous avons été invités à Wuppertal d'où vient Peter pour un festival organisé par un de ses proches amis. C'était la première réunion de ce groupe qui allait être connu sous le nom de « Die Like a Dog ». Vous jouez avec beaucoup de musiciens et de projets différents. Comment les choisissez-vous ? Oui, je connais tellement de personnes avec qui j'aime jouer et chacune d'entre elles, chaque groupe est différent et offre d'autres possibilités. J'aimerais jouer tout le temps avec William, mais j'aime aussi jouer avec David Murray ou avec Harrison [Bankhead] et Ernest [Dawkins]. J'aime jouer avec Fred et quand je travaille avec Peter Brötzmann, j'aime jouer avec lui. Il y en a tellement, comme aussi Josh Abrams. Je dirais que j'apprécie vraiment de jouer avec la plupart des gens avec qui je joue. Je trouve que toutes ces possibilités de travailler avec ces grands artistes est une réelle chance. Je suis heureux qu'ils me choisissent (rires). Propos recueillis par Frank Steiger |
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